La galerie Eden-Josiane Malaval
En hommage à Josiane
En ce premier novembre 2022, je profite de cette journée pour rendre hommage à Josiane Galéra avec la publication d’un article sur une galerie qui porte son prénom. La galerie Eden-Josiane de la rivière souterraine de Malaval.
Josiane fut une femme souriante, douce et toujours attentionnée envers les autres. Nous étions tous deux des amoureux du Mont Lozère et de ses paysages. Elle était venue plusieurs fois dans le réseau souterrain de Malaval qu’elle aimait parcourir et que j’aime aujourd’hui protéger. Elle a demandé avant son décès, à son mari, mon ami Jean-Louis, de pouvoir être incinérée pour que ses cendres soient dispersées sur les pentes du Mont Lozère, non loin où coule secrètement la rivière souterraine de Malaval.
Aujourd’hui, une des galeries de ce fabuleux réseau souterrain porte son prénom.
Ce qui est présenté ici est inédit. Le magazine Ça M’intéresse vient de publier dans son numéro de novembre 2022 une double page montrant en exclusivité les joyaux de cette cavité.
La galerie appelée « Éden » rebaptisée récemment « l’Éden-Josiane » à un développement de 15,00 m. Elle a été immédiatement mise en réserve absolue, après sa découverte, il y a plus de 10 ans. Ce faible développement, comparé au 12,00 km connus du réseau Malaval, est un concentré de tout ce que la grotte peut nous offrir. La cristallisation y est incroyable. Elle renferme sans doute les plus belles et grandes excentriques de toute la grotte !
L’HISTOIRE D’UNE GRANDE DÉCOUVERTE
Tout commence un 16 décembre 2010 où trois camarades spéléologues Daniel André, Jean-Louis Galéra et Jean-Claude Girard partent dans la rivière souterraine de Malaval ouvrir une étroiture impénétrable et soufflante. Elle a été repérée quatre mois en amont par Daniel dans les réseaux supérieurs.
Après un court effort, nécessitant seulement quelques coups de marteau, le passage est libréré. Il est juste assez grand pour qu’un homme puisse se faufiler. Il faut alors s’engager à plat ventre, en rampant, sous un fragile buisson d’aragonite. Jean-Claude refuse de passer par peur de le détruire. C’est donc à deux que Jean-Louis et Daniel pénètrent pour la première fois dans cette galerie.
Daniel stoppe dès l’entrée sa progression face au paysage qu’il décrit dans son compte rendu d’exploration : « C’est vierge, c’est pur, blanc, scintillant. C’est extrêmement vulnérable, comme jamais nous l’avons tous les deux vu de notre vie !
L’entrée de la cavité se trouve derrière Étienne :
Au bout de 10.00 m de longueur, la galerie s’achève sur une paroi concrétionnée de fines et longues aciculaires (longueur 50.00 cm) :
Une ouverture à main gauche donne sur un ressaut protégé par une nouvelle étroiture au blanc immaculé : c’est le terminus.
UN TERMINUS UNIQUE
Face à la fragilité du site, Daniel écrit : « Un seul de nous pouvait continuer afin de limiter les mouvements pouvant casser ces concrétions extraordinaires. Jean-Louis est le seul à avoir atteint le terminus » .
Jean Louis » Le « terminus » est en réalité un gours. Mais ce n’est pas n’importe quel gours, c’est le plus fantastique gours actif d’aragonite massive connu de toute la grotte…. Il mesure 2,00 m de diamètre et est visiblement profond de 50,00 cm (l’eau aux teintes bleutées et sans doute extrêmement saturée de minéraux). Tout est d’un blanc extraordinaire autour, au plafond, au sol »
Daniel en arrière : » Je n’ai pu me contenter de tendre le cou pour voir un peu du spectacle qui faisait crier d’admiration Jean-Louis. »
« Sur le moment on n’a pas su comment nommer ce nouvel espace : les Hyper Blanches, le 8ème Ciel, l’Éden… On s’est dit qu’on verrait, et puis rapidement ce fut « l’Éden ». Ainsi après cette découverte, la décision a été prise de ne jamais permettre la visite de cette merveille avec une mise en réserve absolue. Seul était prévu qu’un photographe de grande qualité puisse y aller un jour pour y faire des photos et ce serait tout. Cette volonté n’a jamais pu voir le jour et la galerie de l’Éden s’est faite oubliée… «
LA PERTE D’UNE PROCHE
C’est avec la venue d’une triste nouvelle que la Galerie de l’Éden refait surface. Le 31 juillet 2016, Josiane Galéra née Benoit, l’épouse de Jean-Louis Galéra, est décédée à l’âge de 57 ans après un combat contre une longue maladie. Daniel André et Monique Puel-André, propriétaires de la cavité, étaient liés d’amitié à Josiane. Ils ont souhaité lui rendre hommage en rebaptisant la galerie de l’Éden par la Galerie de l’Éden-Josiane.
Cette même année, je suis mis dans la confidence sur l’emplacement de son entrée afin que je puisse la photographier. Il m’aura fallu plusieurs années avant d’accepter et de me sentir digne pour pouvoir rentrer dans ce lieu unique. J’aurais souhaité attendre encore quelques années. C’est un autre événement qui m’a poussé à devoir y aller : mon ami Daniel se doit de clôturer l’ouvrage de sa vie. Je ne devais plus attendre.
L’HISTOIRE D’UN DUO
Mon ami Etienne CHABRIER, à ma demande, m’a tendu la main pour entrer dans ce sanctuaire. La nuit précédente de notre venue, je n’ai pu dormir, partagé entre l’excitation de la découverte et la peur de rentrer dans un espace où l’homme n’a pas sa place. Je pense que sans Étienne, je n’y serais jamais allé.
15 août 2022 au petit matin, dans un silence religieux, nous nous équipons. Combinaison, protections thermiques, casque, lampe… un check-up mutuel de notre matériel de progression : un rituel tant de fois répété. Je passe un dernier appel envers les personnes qui m’ont accordé leur confiance. J’avais, à ce moment-là, besoin d’entendre une nouvelle fois leur approbation.
Nous entrons dans la rivière pour la remonter sur plusieurs centaines de mètres. Les cascades même à l’étiage sont encore bien présentes.
Nous quittons la rivière, après deux escalades en libre, pour arriver sur une plateforme où nous pouvons nous changer en quittant nos combinaisons souillées de limon.
Comment s’est passé le reportage ?
Ici, tout est vierge. Le paysage est blanc. Il n’existe sur terre rien de pareil. Étienne tente une photo de son point de vue. Je suis émerveillé par ce qu’il m’entoure.
En réalité, nous avons vécu, dans ce paradis minéral, la pire demi-journée photo de notre vie !! Il nous était impossible de se relever, toujours en gainage sur des appuis précaires. A utiliser les seules traces laissées par le passage de Jean-Louis, les crampes se sont rapidement fait sentir. Il faut alors en faire abstraction, continuer en serrant les dents et pour Étienne sourire le temps d’une photo. Pour chaque mouvement, nous nous aidions mutuellement, en nous guidant ou en offrant à l’autre un appui temporaire pour progresser ou pour faire avancer le matériel.
ANTICIPER POUR PROTÉGER
Il nous était impossible également de faire des aller-retour pour placer les flashs. Leur placement et leur réglage ont été unique. Ici tout est blanc, tout se surexpose très vite, tout se confond, la grande difficulté n’est pas d’éclairer mais de créer par la lumière des ombres nécessaire à la compréhension des images. Ces moments-là sont intenses mentalement parlant, vous vous videz de votre énergie. Il faut tout anticiper… et même avec des bases extrêmement solides acquises dans la photographie souterraine, face à cet environnement … vous n’êtes jamais assez prêt !!
Dans ce blanc omniprésent, il y a des phénomènes inconnus que je prends plaisir à photographier : Sous l’ancien niveau d’eau, des tiges de coralloïdes entrecroisées ont fait comme pour des « pool-fingers ». La cristallisation s’est formée autour de l’édifice originel, ce qui fait que ces excentriques, aujourd’hui hors d’eau, ont un diamètre énorme !
D’autres tiges ont évolué en « massue » après avoir touché une ancienne surface du gour actif. Avec le temps, cela s’est cristallisé et c’est merveilleux.
UN RETOUR A LA SURFACE
Ce sont près de cinquante photographies qui ont été réalisées afin de documenter ce site. Dans ce rêve éveillé, nous n’avons eu qu’une seule chance pour réaliser ces clichés. Juste après notre passage, l’entrée fut définitivement condamnée par un système de fermeture inviolable afin de conserver intacte cette merveille d’intérêt national.
Avec Étienne, nous sommes heureux de pouvoir offrir ces photos uniques à la communauté spéléo et au monde entier. Elles montrent que sous terre les grandes découvertes sont encore possibles. L’aventure, l’entraide et l’humilité sont les grands moteurs de nos métiers d’explorateur et de photographe.
L’aventure continue, car Malaval ne nous a pas encore tout dévoilé…
Pour Josiane